Nintendo gèle les précommandes de la Switch 2

Patrick Tremblay
lecture de 10 minutes

Cette annonce sème l’incertitude car ce n’est pas juste une console, c’est toute l’industrie qui est en jeu

Mercredi, les gamers du monde entier, moi inclus, étaient rivés à leurs écrans : Nintendo venait de dévoiler la Nintendo Switch 2. La nouvelle console s’annonçait prometteuse, avec un lancement prévu pour le 5 juin et un prix fixé à 449,99 $ US, soit 629.99$ CAD pour nous au Canada. Rien de bon marché, dont plusieurs se plaignent sans réellement comprendre que le problème n’est pas le coût de la console mais le coût de la vie qui a explosé car, on va se le dire, on parle ici d’une machine next-gen avec des performances revues à la hausse et un catalogue de jeux solides dès le lancement.

À peine avions-nous eu le temps de digérer l’info que tout basculait. Moins de 24 heures plus tard, Nintendo annonçait la suspension des précommandes aux États-Unis. Pourquoi? À cause d’un événement totalement externe à l’industrie : une vague de nouveaux tarifs douaniers imposés par le président américain Donald Trump, touchant durement les importations japonaises,pays d’origine de Nintendo.

Et c’est là que j’ai compris que ce n’était pas juste une histoire de précommande repoussée. Ce qu’on vit là, c’est une alerte rouge pour toute l’industrie du jeu vidéo.

Tarifs, politique et jeux vidéo : un cocktail explosif

On parle ici de tarifs de 24 % imposés sur les produits japonais entrant aux États-Unis. Ça veut dire quoi concrètement? Que chaque Nintendo Switch 2 importée coûtera 24 % plus cher à Nintendo. Et là, deux choix s’offrent à eux : absorber le coût et rogner sur leurs marges ou le refiler au consommateur.

Faisons le calcul :
449,99 $ + 24 % = environ 558 $ US avant taxes.
Ajoutez à ça les taxes d’État, les marges des détaillants et vous avez un prix qui pourrait facilement dépasser les 600 $ US!, soit l’équivalent de plus de 850$ CAD au Québec.

Et on ne parle ici que de la console. Les jeux, accessoires, bundles et autres produits physiques suivent la même logique.

Pourquoi c’est grave? Parce que ça va bien au-delà de Nintendo.

L’alerte de l’ESA

Quelques heures avant l’annonce officielle de Nintendo, l’Entertainment Software Association (ESA), qui est l’organisation qui représente toute l’industrie vidéoludique aux États-Unis, lançait un avertissement. Lors d’une entrevue avec Aubrey Quinn, sa porte-parole, une phrase m’a frappé :

« Si on pense que c’est juste la Nintendo Switch 2, alors on ne prend pas la situation au sérieux. »

Et elle a foutument raison!

Les tarifs ne visent pas une console, ni une entreprise. Ils frappent tous les produits électroniques fabriqués ou assemblés à l’étranger. Ça inclut :

  • Les consoles (PS5, Xbox Series, Steam Deck…)
  • Les composants PC (GPU, CPU, cartes mères…)
  • Les accessoires (manettes, casques, claviers…)
  • Et même certains formats de jeux physiques

Et ce, peu importe que la compagnie soit japonaise, américaine ou autre! Les chaînes de production sont mondialisées et une grande partie des composantes électroniques transitent par des pays désormais ciblés par les tarifs : Chine, Japon, Vietnam, Union européenne, Mexique, Canada et j’en passe…

Pour nous, au Québec, qu’est-ce que ça change?

Beaucoup plus qu’on le pense!

1. Hausse des prix garantie ou presque

Les hausses imposées aux États-Unis auront un effet domino ici. Le Canada est souvent considéré comme un marché voisin dans les stratégies de lancement nord-américaines. Si les prix explosent aux États-Unis, il est peu probable que le Canada reste intouché.

Même si le gouvernement canadien n’est pas directement concerné par les tarifs américains, les fournisseurs et détaillants répercuteront leurs propres coûts. Résultat : on peut s’attendre à des prix en forte hausse, notamment sur :

  • Les consoles next-gen
  • Les éditions collectors ou limitées
  • Les périphériques de gaming
  • Les nouveaux jeux physiques

2. Moins de consoles disponibles

Si Nintendo décide de limiter les volumes de Switch 2 en Amérique du Nord à cause des coûts, le Canada sera aussi touché. On a déjà connu ça en 2017 : les ruptures de stock de la première Nintendo Switch avaient été nombreuses ici.

La même chose pourrait se reproduire, voire empirer. Résultat? Pénurie, scalping et prix abusifs sur les plateformes de revente.

3. Impact sur les studios et développeurs

Moins de consoles vendues = moins de joueurs = marché réduit pour les développeurs. Les studios québécois, notamment les indépendants qui ciblent la Switch ou les consoles en général, pourraient voir leur retour sur investissement diminuer, surtout si leurs jeux dépendent d’un fort taux de pénétration au lancement.

Même les grands studios comme Ubisoft pourraient devoir réévaluer leurs projections commerciales si le contexte reste incertain.

4. Frein à l’innovation

Moins de ventes = moins de revenus = moins d’investissements en R&D, en nouvelles licences ou en technologies novatrices.

Le danger à long terme, c’est un ralentissement de la créativité dans l’industrie. Moins de risques pris, moins de nouveaux concepts. On s’enfoncerait dans une logique conservatrice, avec plus de suites et moins d’audace.

Et le politique là-dedans?

Ce qui rend cette situation particulièrement frustrante, c’est que le monde du jeu vidéo n’a rien demandé. Ce sont des décisions politiques, prises dans le cadre d’une guerre commerciale, qui viennent frapper un secteur pourtant en croissance, créateur d’emplois et ancré dans la culture populaire.

Et pour l’instant, la marge de manœuvre est mince. L’ESA affirme avoir tenté d’ouvrir un dialogue avec le gouvernement américain, mais la nouvelle administration Trump étant composée en majorité de nouveaux visages, les relations précédentes sont à reconstruire. Les tractations sont lentes, et le timing est terrible.

Est-ce que le Canada pourrait agir?

Le Canada pourrait tenter de négocier un traitement spécial pour les importations technologiques ou inciter les entreprises à relocaliser une partie de la production ici. Mais ce genre de mesure prend du temps et n’aura aucun effet immédiat sur la sortie de la Nintendo Switch 2 ou sur les prix du mois prochain.

La meilleure option reste la pression collective et c’est là que les gamers entrent en jeu.

Ce que les consommateurs peuvent faire

L’ESA a été claire : le public a un rôle à jouer. Et ce rôle, il commence par l’information, la sensibilisation et l’action.

Faites entendre votre voix

Même ici au Québec, on peut contribuer à faire pression :

  • Contactez vos députés fédéraux. Demandez-leur s’ils comptent défendre les intérêts des consommateurs face à cette crise.
  • Partagez cet article (ou toute autre info fiable) autour de vous.
  • Exprimez-vous sur les réseaux sociaux. Plus les élus verront que le public est concerné, plus ils prendront la chose au sérieux.

Sensibilisez la communauté

Expliquez à vos amis, collègues ou abonnés que cette situation dépasse le simple report de précommande. C’est une remise en question de la stabilité même de l’industrie, et un signal clair que notre passion, les jeux vidéo, est bien plus vulnérable qu’on ne le pense.

Ce n’est pas juste une console. C’est tout un système qu’on met à l’épreuve.

On pourrait croire qu’il s’agit juste d’un événement ponctuel. Un petit contretemps dans un calendrier marketing.

Mais c’est tellement plus que ça! Beaucoup de gens ne comprennent pas l’ampleur de la situation et ça doit se savoir!

C’est un stress test grandeur nature de l’industrie vidéoludique dans un contexte économique instable. C’est une démonstration brutale de ce qui arrive quand une industrie mondiale est confrontée à des décisions politiques unilatérales, sans préavis, sans coordination.

En conclusion : restons critiques, solidaires et informés

Les gamers ne sont pas que des consommateurs passifs. On est une communauté forte, passionnée et connectée. Ce qu’il se passe avec la Nintendo Switch 2 est peut-être le premier choc visible, mais d’autres suivront si on ne reste pas vigilants.

Aujourd’hui, on a besoin d’un dialogue entre le public, l’industrie et les décideurs politiques. Et pour ça, il faut que les gamers québécois s’impliquent.

Ce n’est pas qu’une question de pixels.

C’est une question de pouvoir d’achat, de culture et d’avenir!

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Père de famille, gamer, chroniqueur pour Métro Média, développeur de jeu indépendant et programmeur dans la vie de tous les jours : j'initie mes enfants au plaisir du gaming avec les classiques des anciennes générations ainsi que les jeux récents.
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