OPINION – Les jeux en “Live Service” sont-ils une plaie?

Patrick Tremblay
Patrick Tremblay
lecture de 11 minutes

Huit jeux en “Live Service” ont récemment annoncé la fermeture de leurs serveurs, incluant RumbleVerse d’Epic Games et Knockout City d’Electronic Arts

Comme beaucoup d’entre vous, j’ai beaucoup de jeux que j’ai aimés et que les développeurs/éditeurs ont abandonnés parce qu’ils n’ont pas fait aussi bien qu’ils l’espéraient. Le premier qui me vient en tête, la plupart des gamers le connaissent, il s’agit du jeu Anthem d’Electronic Arts. Alors que j’avais adoré la campagne est les mécaniques du jeu, j’ai été contrarié quand j’ai vu que le contenu End Game n’arrivait pas, puis que le studio repoussait la date de l’arrivée du contenu, puis a dit travailler sur un Anthem 2.0 pour, finalement, abandonner complètement le jeu.

Ce jeu, Electronic Arts ne me l’a pas envoyé : j’ai payé 80$ de ma poche pour l’avoir et en faire également le test pour le média où je travaillais à l’origine. Alors que j’étais contrarié au début, j’ai pu prendre du recul et voir vraiment ce qui en était.

Anthem – Electronic Arts

En fait, les jeux qui ont un modèle de service en direct, ou “Live Service” si vous préférez, ont fait que les gamers comme vous et moi s’attendent à ce que chaque jeu, même s’il n’en est pas un, reçoive du nouveau contenu et de nouvelles mises à jour pendant un certain temps pour une période indéterminée. Voilà que dès qu’un jeu n’offre pas ce type de proposition de nouveau contenu, il est systématiquement considéré comme étant “abandonné” et que les développeurs se “foutent des joueurs”.

Dans les dernières semaines, huit jeux ont annoncés avoir une date de fin des services et que ceux-ci ne seront plus accessibles du tout, il s’agit des jeux Apex Legends Mobile, Battlefield Mobile, CrimeSight, CrossFire X, Dragon Quest The Adventure of Dai: A Hero’s Bonds, Echo Combat VR, Knockout City et le tout récent RumbleVerse qui, d’ailleurs, semblait pourtant être sur la bonne voie.

Depuis quand le Live Service est devenu une norme?

Est-ce que ceci est vraiment “la” norme à adopter avec les jeux depuis la génération PlayStation 3, Wii et XBox 360? C’est vraiment bizarre parce qu’avant ces consoles et l’accès en ligne, bien que la PlayStation 2 et la XBox première génération offraient quelques jeux en ligne, c’était la norme d’avoir des jeux qui n’ont pas de mise à jour et qui ne propose aucun nouveau contenu. Et encore, j’entends râler sur les réseaux sociaux, bien souvent, que “dans le temps, quand ils livraient un jeu, il était fonctionnel, complet et n’avait aucun bogue!” et c’est pourtant la chose la plus fausse qui soit. Après tout, il y a eu des jeux, comme Ghouls ‘n Ghosts sur la SEGA Genesis, qui avaient plusieurs versions du même jeu. Je parle de celui-ci à titre d’exemple car la toute première impression du jeu sur les cartouches comportait un bogue majeur qui faisait que le jeu ne pouvait pas être terminé car le joueur était bloqué juste avant la salle du boss final. Vint alors une nouvelle version du jeu qui avait le correctif. Pour le joueur qui avait la cartouche condamnée, il n’y avait rien à faire! À ceci, ajoutez tous ces speedrunners, les gens qui sont capable d’utiliser des failles dans les jeux pour les compléter dans un temps record : ça aussi, c’est la preuve que les jeux rétros avaient des bogues!

Ghouls ‘n Ghosts – Capcom

J’ai même déjà terminé The Legend of Zelda: A Link To The Past en moins de trois minutes!

Enfin bref! Même avec la génération PlayStation 4, Switch et XBox One, de nombreux jeux n’ont pas reçu de mises à jour ou de contenu additionnel. Une fois le développement terminé, les développeurs sont simplement passés à leurs prochains projets et, vous savez quoi? C’est tout aussi bien! Seulement, le concept a été littéralement effacé des mémoires des gens car les nouveaux jeux ont des bogues beaucoup plus flagrants et nécessitent des mises à jour pour améliorer le jeu ou même des extensions pour ajouter du nouveau contenu ou simplement de nouveaux skins.

Mais où est le problème des jeux en Live Service, finalement?

Les jeux de service en direct sont plus populaires que jamais, attirant des millions de joueurs et plusieurs millions, voire milliards, de revenus. La plus grosse problématique de ces jeux, maintenant, est qu’il y en a tellement qu’il devient difficile de suivre les concepts des Battle Pass, ces fameux passes de combat qui vous permettent d’obtenir armes, personnages, cosmétiques ou autres dans vos jeux préférés. Qu’arrive-t-il lorsque vous n’avez pas certains morceaux de ces passes? Vous avez l’impression d’avoir de la difficulté à suivre les autres joueurs et, ainsi, l’équilibre du jeu semble rompu. Ceci amène le joueur à cesser de jouer à ce jeu afin de se concentrer sur un autre qui le passionne tout autant et dont il croit avoir la chance de pouvoir remplir les conditions de ce passe de combat-là.

Call of Duty : WarZone 2.0 – Activision

Cela devient donc une chimère pour les développeurs car ils veulent attirer de nouveaux joueurs, fidéliser ceux présents et essayer de conserver ceux qui sont plus absents. Ajoutez à ces passes de combat les mises à jour de jeux, les extensions qui ouvrent de nouvelles cartes, de nouveaux raids, de nouveaux personnages et plus encore. En bout de ligne, le développeur essaie de fidéliser son public cible pendant que ses compétiteurs essaient de les attirer à leur tour.

Qu’arrive-t-il si un développeur a de la difficulté à suivre le rythme, à établir une façon de fidéliser sa clientèle et de rétentionner ceux qui sont partis? Ils s’épuisent, tentent tant bien que mal, puis sombrent. Et qu’arrive-t-il si un jeu sombre dans l’oubli alors qu’il est un jeu de service en direct? La gestion des serveurs devient plus coûteuse que les revenus, ce qui crée un déficit. Ce même déficit forcera alors la main du développeur qui devra se résigner à fermer le serveur indéfiniment, retirant ainsi l’accès au jeu à ceux et celles qui l’ont acheté et ont investi dedans du même coup pour l’achat de skins, de Battle Pass ou autres.

Est-ce que cette tendance va finir par disparaitre?

Les modèles de jeux arborant les microtransactions et le service en direct se sont avérés très lucratifs dans le cas où ces jeux ont su innover et fidéliser leur clientèle, ne serait-ce par exemple que WarZone avec son WarZone 2.0 et l’intégration du DMZ ou même Fortnite avec ses multiples saisons et la pléthore de relations croisées avec les différents autres univers, qu’elles soient issues de celle du jeu vidéo, des séries télé, de la musique ou même avec certains influenceurs et certaines influenceuses reconnus.

D’ailleurs, Sony prévoit sortir plusieurs jeux multijoueurs en mode “Live Service” au courant des années à venir et le rachat de Bungie ciblait exactement ce point, le développeur ayant su se démarquer grâce à Destiny et Destiny 2. D’autres studios, comme Electronic Arts, Epic Games et même Ubisoft profitent de cette tendance accrue et, malgré quelques échecs monumentaux, présenteront de nouveaux jeux qui iront dans ce sens car plus de la moitié des revenus provient de cette nouvelle tendance et de son système microtransactionnel.

Destiny 2 – Bungie

Pour conclure

Est-ce que les jeux en “Live Service” sont une plaie? Bien plus pour les développeurs que pour les joueurs, croyez moi. L’équilibre nécessaire afin de courtiser les joueurs, fidéliser les autres et offrir du contenu qui donne envie de demeurer scotché sur le jeu sans avoir l’impression que ce soit trop redondant est énormément demandant.

Là où le bât blesse, c’est lorsqu’un jeu qui semblait avoir le vent dans les voiles se met à battre de l’aile au point où le studio doit mettre la hache dedans et, ainsi, perdre absolument tout ce que nous avions investit, temps et argent, dans celui-ci car nous savons très bien que nous ne pourrons jamais y retourner. C’est également la problématique, en fait, des achats de jeux numériques ou des plateformes de Cloud Gaming, en fait. Non, je ne fais absolument pas allusion à Stadia… *tousse*

Si les serveurs ne vous permettent pas d’accéder à votre achat, vous l’avez perdu totalement. C’est là qu’est le problème du Live Service également car le jeu, en fait, est sur un serveur et votre copie du jeu, qu’elle soit physique ou numérique, ne vous donne en fait qu’un accès privilégié à ce serveur, jusqu’à ce que celui-ci s’éteigne.

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Père de famille, gamer, chroniqueur pour Métro Média, développeur de jeu indépendant et programmeur dans la vie de tous les jours : j'initie mes enfants au plaisir du gaming avec les classiques des anciennes générations ainsi que les jeux récents.
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