TEST – Clair Obscur: Expedition 33

Patrick Tremblay
lecture de 10 minutes

Clair Obscur : Expedition 33 est de ces rares jeux qui transcendent leur statut de simple divertissement pour devenir une œuvre marquante, presque intemporelle. Premier titre du studio français Sandfall et édité par Kepler Interactive, ce jeu, disponible sur PlayStation 5, Xbox Series et PC, ne fait pourtant preuve d’aucune maladresse de débutant. Au contraire, ce RPG narratif à la fois audacieux, bouleversant et viscéral impose un mélange méticuleusement dosé entre innovation et hommage. Que ce soit par ses mécanismes hybrides, sa direction artistique renversante ou son écriture poignante, le jeu frappe fort. Voici ma critique, nourrie par plusieurs dizaines d’heures de jeu et d’émotions intenses.

Un choc émotionnel dès les premières minutes

J’ai commencé Clair Obscur : Expedition 33 en me disant que je jouerais une petite heure avant de passer à autre chose. Dix minutes plus tard, une boule s’était formée dans ma gorge. Littéralement. Une cinématique introductive poignante, une ambiance musicale d’une délicatesse absolue et surtout, cette poignante fatalité qu’incarne le concept du “Gommage”… Sandfall n’a pas attendu pour déployer ses armes : empathie, désespoir, détermination. Le ton est donné. À partir de là, impossible de poser la manette.

Un univers sombre et lumineux à la fois

L’univers de Clair Obscur se déploie dans une direction artistique absolument renversante. Inspiré par les grands courants picturaux du XIXe siècle européen, le monde de Lumière, dernier bastion de l’humanité, respire à travers une palette visuelle entre aquarelles poétiques et clair-obscur dramatique. Chaque zone explorée dévoile un biome unique, que ce soit les catacombes marines, les collines dévastées par les guerres passées ou encore une arène suspendue dans le vide.

Mais ce qui m’a frappé, au-delà du graphisme, c’est la cohérence artistique. Le monde semble avoir été peint à la main, chaque texture évoque une touche de pinceau. C’est un chef-d’œuvre plastique, un jeu qui fait de l’image une forme de narration.

Une histoire qui résonne comme une tragédie antique

Le coeur du jeu repose sur un concept bouleversant : chaque année, la Peintresse dessine un chiffre sur le monolithe central. Toutes les personnes de cet âge disparaissent. La 33e expédition, menée par Gustave et ses compagnons, a pour mission d’arrêter ce cycle morbide. Chaque membre n’a plus qu’une année à vivre.

Ce présupposé narratif est d’une puissance rare. Il teinte chaque réplique, chaque regard et chaque silence d’une poignance inéluctable. Et surtout, il donne un poids émotionnel colossal à toutes les décisions.

Ce n’est pas seulement un jeu où l’on sauve le monde, c’est un jeu où l’on tente de se sauver soi-même d’un destin annoncé. Une course contre la montre où chaque minute est comptée. L’écriture est magistrale. Mature sans être prétentieuse, philosophique sans être verbeuse.

Un casting à la hauteur, même en français

L’un des défis récurrents dans les jeux européens est la qualité des doublages dans leur version originale. Ici, j’ai joué en français du début à la fin et je n’ai jamais eu envie de repasser en anglais. C’est assez rare pour être souligné, surtout sachant que nous comptons Charlie Cox (Daredevil), Andy Serkis (Gollum) et Ben Starr (Final Fantasy XVI) dans le casting anglophone.

Les comédiens de doublage incarnent leurs personnages avec un naturel déconcertant. Mention spéciale à la performance de la comédienne prêtant sa voix à Maelle, Adeline Chetail (Nanamo Ul Namo de Final Fantasy XIV, Marlène Wallace de Final Fantasy VII Rebirth, Zelda de The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom, Mei d’Overwatch 2) : chaque intonation trahit les fêillements de son personnage, ses doutes, sa rage, sa passion.

Un gameplay hybride et réjouissant

Sous ses airs de RPG au tour par tour classique, Clair Obscur cache une mécanique de gameplay novatrice. Chaque action permet d’accumuler ou de dépenser des PA (points d’action), les compétences spéciales reposent sur des jauges de gradient et les systèmes de blocage et d’esquive empruntent clairement à l’école des soulslike. En fait, c’est comme si The Legend of Dragoon fusionnait avec Dark Souls et Final Fantasy.

Le timing est crucial. Un bon bloc au bon moment peut renverser l’issue d’un combat. Mais là où le titre excelle, c’est dans la spécialisation poussée de chacun des six personnages. Ils ne se contentent pas d’être des archétypes (mage, tank, DPS), ils répondent à des logiques internes propres. Monoco, par exemple, est un hybride improbable qui récupère ses compétences en dévorant les ennemis. Sciel se concentre sur les “Omen”, une mécanique de malus accumulables. Maelle, elle, alterne entre trois postures qui influencent directement ses compétences et ses PA.

Les pictos, sortes d’accessoires améliorables, apportent une vraie dimension de build, avec des compétences passives cumulables qui deviennent partageables entre personnages. Un vrai régal pour les amateurs de micro-gestion.

Quelques bémols mais jamais rédhibitoires

Aucun jeu n’est parfait, et Clair Obscur : Expedition 33 ne fait pas exception. Deux points m’ont un peu freiné : l’impossibilité de changer de personnage en plein combat en fait partie. Ce choix, justifié par la nécessité d’encourager la rotation d’équipe, crée parfois de la frustration, surtout lors de pics de difficulté avec certains boss, entre autres.

En second lieu : l’absence de menu de suivi des quêtes secondaires. Bien entendu, l’interface est épurée, mais une option pour retrouver où l’on en est aurait été bienvenue, notamment dans un jeu aussi riche en contenus annexes.

Une bande-son à tomber par terre

La musique est l’un des joyaux du titre. Signée par un compositeur encore peu connu, la bande-son oscille entre des plages oniriques au piano, proches d’un Nobuo Uematsu ou d’un Yasunori Mitsuda, et des envolées électriques presque post-rock qui viennent décupler la tension des combats.

Certaines pièces m’ont réellement bouleversé, notamment celle qui accompagne la révélation finale de Gustave. Je n’ai pas pu retenir mes larmes. Encore aujourd’hui, en réécrivant ces lignes, j’ai le thème dans la tête, et la chair de poule qui revient.

C’est simple : depuis que j’ai lancé le jeu, je passe le plus clair de mon temps à écouter la bande originale sur Spotify.

Une technique sans faute, même sur PC

Testé sur ASUS ROG Ally X, le jeu tourne comme une horloge : aucun bug rencontré sauf quand je plaçais la console en mode “silencieux”. Absolument zéro crash. L’optimisation est exemplaire. On sent que Sandfall a peaufiné son bébé avec amour.

Les modèles 3D sont expressifs, les animations faciales rivalisent avec les meilleures productions AAA, à l’exception peut-être des cheveux longs, parfois un peu flottants. Mais franchement, ce serait chiâler pour rien.

Durée de vie et relecture

Comptez une trentaine d’heures pour l’aventure principale. Mais si, comme moi, vous êtes du genre à retourner chaque recoin de carte, à relever les défis d’Esquie, le monture draconienne, ou à tenter le mode difficile avec un build optimisé, vous pouvez facilement atteindre 60 heures. Et le mode New Game+ ouvre la porte à une nouvelle façon de vivre l’aventure avec ses variantes et ses secrets cachés.

Un coup de maître, tout simplement

Sandfall Studios, cette petite équipe de trente passionnés, livre ici un tour de force. Un premier jeu qui rivalise avec les plus grands, qui ose, qui bouleverse, qui maîtrise son rythme, son ton et ses mécaniques. Un titre qui vous hante bien après le mot “fin”.

Clair Obscur : Expedition 33 s’inscrit dans cette lignée rare de titres qui font évoluer un genre et qui marquent une génération. Et à ce titre, oui, je le dis sans trembler : c’est mon GOTY personnel.

Un énorme “MERCI” à Sandfall pour la copie du jeu

Nom du jeuClair Obscur: Expedition 33
Date de sortie24 avril 2025
DéveloppeurSandfall Interactive
Série
ÉditeurKepler Interactive
Plates-formesPC, PlayStation 5, Xbox Series
GenreJeu de rôle
Mode de jeuSolo
LangueMultilingue (français inclus)

Clair Obscur: Expedition 33

64.99$
9.8

Graphismes

9.6/10

Trame sonore

10.0/10

Jouabilité

9.4/10

Scénario

10.0/10

Durée de vie

10.0/10

Pour

  • Visuellement très joli
  • La trame sonore est absolument géniale
  • Le système de combat est excellent
  • Le scénario est digne d'un film

Contre

  • Impossible de changer de personnages en combat
  • Les quêtes secondaires sont difficiles à suivre
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Père de famille, gamer, chroniqueur pour Métro Média, développeur de jeu indépendant et programmeur dans la vie de tous les jours : j'initie mes enfants au plaisir du gaming avec les classiques des anciennes générations ainsi que les jeux récents.
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