Explore, expanse, exploite, extermine… Le roi du 4X est de retour, mais résistera-t-il à l’épreuve du temps?
Sid Meier’s Civilization est de retour pour son 7e opus depuis le 11 février. Et, pour la première fois, on peut le retrouver sur toutes les plateformes dès sa sortie: Windows, macOS, Linux, Nintendo Switch, PlayStation 4, PlayStation 5, Xbox One et Xbox Series X/S. Développé par Firaxis Games et publié par 2K, le populaire jeu de stratégie vous invite à réécrire l’histoire à votre manière.
Grand bac à sable
L’un des aspects les plus intéressants de la série Civilization est la liberté que le jeu nous offre dans l’approche de chaque partie. Pour les novices du genre, Civilization vous place à la tête d’un empire naissant. Vous commencez en l’an 4000 avant Jésus-Christ avec un une simple unité capable de fonder votre premier village. Dans cette ville en devenir, vous pourrez créer des bâtiments, des unités militaires, des unités civiles… Puis une deuxième ville, puis une troisième, puis une religion, puis des merveilles!
Le jeu se joue au tour par tour, offrant une vue d’ensemble sur votre territoire. Chaque tour, vous devrez décider des constructions dans vos villes et donner des ordres à vos unités. Peu à peu, les siècles défilent, transformant votre modeste peuple en empire florissant.
Mais attention! Autour de vous, d’autres personnages tenteront eux aussi de dominer le monde. J’utilise le terme personnage car vous incarnez également un personnage historique, qui vous donnera des avantages uniques tout au long de votre partie. La particularité de cet opus est que la partie est divisée en trois âges, et vous jouez une civilisation différente à chaque âge. Vous conserverez le même dirigeant, mais devrez choisir trois civilisations au cours de la partie, chacune avec ses propres particularités.

À chaque partie, vous avez une liberté quasi totale : où placer vos villes, qui attaquer, sur quoi vous concentrer. Au premier tour, la carte s’étend devant vous, vaste et inexplorée. On explore, on s’adapte et on élabore une stratégie. Certains viseront un type de victoire en particulier dès le premier tour, tandis que d’autres s’ajusteront selon les circonstances. Quoi qu’il en soit, votre destinée est entre vos mains. Tenterez-vous de devenir une puissance économique? Ou bien écraserez-vous vos adversaires par la force de votre armée? À vous de choisir!
La règle de trois
La série Civilization repose sur un principe fondamental à sa survie pour chaque sortie: la règle de trois. Un tiers de mécaniques traditionnelles, un tiers de mécaniques améliorées par rapport à la dernière version et un tiers de nouvelles mécaniques. Ce septième opus est un peu une culmination des 2 derniers Civ, alors qu’on retrouve, par exemple, la gestion du bonheur du 5, mais aussi la notion de bonus de proximité introduit dans le 6. Mais partons de la base: le début de partie reste classique, on fonde sa capitale, puis on explore les environs avec nos éclaireurs. Ces derniers disposent désormais de deux compétences qui leur permettent d’élargir leur champ de vision et de repérer des tuiles spéciales offrant des bonus immédiats. Ça rend le début de partie encore plus palpitant!
Comme mentionné précédemment, il y a maintenant trois âges distincts: l’Antiquité, l’Âge de l’Exploration et l’Âge Moderne. Chaque âge propose des objectifs spécifiques répartis en quatre catégories: culture, économie, science et militaire. Les deux premiers âges nous permettent d’accumuler des points d’héritage et d’ainsi nous donner des avantages pour le prochain âge. Le dernier âge nous permet de gagner la partie si on atteint tous les objectifs d’une catégorie. Les objectifs sont structurés en plusieurs étapes, par exemple, dans la catégorie scientifique de l’âge moderne, il faudra d’abord rechercher la technologie du vol, puis construire un aérodrome, réaliser un vol entre deux continents, briser la barrière du son et enfin lancer un satellite en orbite. Certaines séries d’objectifs sont assez simples à comprendre, comme la construction de sept merveilles en Antiquité pour gagner des points culturels. D’autres sont plus complexes, comme les objectifs économiques de l’Âge de l’Exploration, où il faut établir des colonies sur d’autres continents afin de découvrir des trésors et accumuler des points de flotte de trésors. J’apprécie l’ajout de ces objectifs. Cependant, ils peuvent aussi brider la créativité des joueurs qui préfèrent trouver des chemins alternatifs vers la victoire. Je crois qu’il y a également un risque de redondance, notamment si certaines séries d’objectifs se révèlent beaucoup plus faciles que d’autres. Cela dit, la distinction marquée entre les trois âges renouvelle constamment l’expérience. À chaque transition, on a la sensation de repartir à neuf, ce qui insuffle un vent de fraîcheur à la partie en cours. C’est une amélioration notable par rapport aux précédents Civilization, où l’émerveillement avait tendance à s’estomper au fil des tours.

Parmi les mécaniques de retour, on retrouve le système de cartes politiques, qui offre divers avantages en fonction de notre style de jeu. Cependant, un gros manque à ce niveau est l’absence de l’impact immédiat de ces cartes dans l’interface utilisateur. Par exemple, en activant la carte Éthiques (+1 science par spécialiste), le jeu ne nous indique pas combien de science cela ajoutera au total. Pire encore, il est impossible de voir directement le nombre de spécialistes dans nos villes. Ce manque de clarté nuit à l’ergonomie et oblige le joueur à faire des calculs approximatifs, ce qui est un peu frustrant.
Un autre ajout intéressant est le nouveau système de tuiles rurales et urbaines, que j’apprécie particulièrement. Lorsqu’un nouveau citoyen rejoint une ville, on l’assigne à une tuile, comme une forêt, ce qui crée un camp de bûcheron, transformant ainsi la tuile en tuile rurale. Lorsqu’on construit un bâtiment, la tuile devient urbaine. Si elle était auparavant rurale, le citoyen devra être réassigné à une autre tuile. En combinant deux bâtiments sur une même tuile urbaine on peut former un quartier. Ce système encourage une planification réfléchie de l’aménagement des villes. De plus, les bâtiments bénéficient de bonus de proximité : par exemple, les bâtiments culturels profitent d’un bonus s’ils sont placés près des montagnes. Cela ajoute une couche stratégique sans être trop contraignant. En passant à un nouvel âge, les bonus de proximité des anciens bâtiments disparaissent, mais une nouvelle mécanique de surconstruction permet de remplacer ces bâtiments par des versions plus modernes.
Parmi les nouveautés, on retrouve également une refonte du système de diplomatie, qui est très appréciée. On peut maintenant accumuler de l’influence et la dépenser pour poser des gestes diplomatiques, comme devenir suzerain d’une cité-état, ou bien collaborer avec un autre dirigeant pour générer plus d’or. Ce nouveau système peut changer drastiquement la partie. L’influence étant une ressource limitée, il est crucial de l’utiliser de manière stratégique.
Il y a aussi un nouveau système de gestion des villes : certaines villes secondaires viendront soutenir vos plus grandes métropoles. De plus, les ressources présentes sur votre territoire devront aussi être assignées stratégiquement à vos villes.
Les unités militaires ne gagnent plus d’expérience individuellement. Désormais, ce sont les généraux qui accumulent l’expérience et disposent d’un arbre de compétences flexible, ouvrant la porte à des stratégies variées et adaptées à chaque situation. D’ailleurs, votre dirigeant à également son propre arbre de compétences, permettant d’influencer directement le développement de votre empire!
Diorama réaliste
La vision artistique initiale de Civilization VII reposait sur un effet diorama et on peut dire que Firaxis a brillamment réussi son pari. Le jeu donne l’impression d’observer un monde miniature, comme si l’on était une divinité manipulant ses propres jouets. Le jeu est très joli et satisfaisant à regarder, c’est un mélange réussi entre réalisme et caricature. Les couleurs sont vives, mais restent naturelles. Dans Civilization V, le studio avait opté pour un style réaliste, tandis que Civilization VI adoptait un style plus caricatural. Firaxis semble avoir trouvé un bel équilibre dans le 7, fusionnant à merveille le style des deux opus précédents. Les montagnes sont imposantes et détaillées, le terrain est organique et les rivières serpentent de manière naturelle à travers la carte. La végétation est réaliste, mais conserve un effet stylisé qui apporte un charme indéniable à l’aspect visuel. En haute résolution, le jeu se démarque par ses textures impressionnantes pour un jeu de stratégie. Même avec une caméra éloignée, les moindres détails du terrain restent visibles: les crevasses des montagnes, la diversité des arbres ou encore les rivières sinueuses qui traversent les continents.
Si on zoome un peu plus, on remarque encore plus de détails, surtout au niveau des bâtiments de nos villes. Les maisons arborent des cheminées fumantes, des plantes décorent les rues, des escaliers relient différents niveaux… On aperçoit des lieux de culte, des amphithéâtres, des bibliothèques, ainsi que de petits marchés publics le long des rues, qui s’entrelacent naturellement. Les villes, divisées entre quartiers urbains et régions rurales, s’étendent organiquement d’un hexagone à l’autre, créant ainsi des cités vivantes et crédibles. Chaque civilisation possède son propre style architectural, renforçant ainsi l’immersion.

Les dirigeants sont aussi bien réalisés. Ils conservent une touche caricaturale, mais de façon subtile. On remarquera aussi que pour ce septième opus, plutôt que de converser directement avec un dirigeant adverse face à nous, on observe notre propre dirigeant en discussion avec lui, ajoutant ainsi au sentiment de divinité qu’on incarne. Les animations sont fluides et convaincantes, rendant chaque dirigeant plus vivant que jamais. Leur langage corporel évolue en fonction de leur attitude à notre égard : ils affichent un air renfrogné en période de tension ou, au contraire, une posture plus ouverte lorsqu’ils nous sont favorables.
Un stagiaire en charge
Là où ça se gâte, c’est au niveau de l’interface utilisateur. Cet aspect mérite une section à part entière. Dans un jeu de tir ou d’aventure, l’interface n’est pas un élément clé du design, mais dans un jeu de stratégie, elle est essentielle pour véhiculer l’information au joueur. Les différentes mécaniques du jeu, primaires ou secondaires, sont assimilées et interprétées par le joueur par le billet de l’interface. Et à ce niveau, c’est un désastre. L’interface semble avoir été conçue sans réelle expertise, avec des choix de design maladroits qui nuisent à l’ergonomie.
Le visuel laisse à désirer. Tout est soit trop gros, soit trop petit, selon l’activation ou non de l’option haute résolution. En jouant en 4K sur un écran 4K, l’interface est ridiculement petite en mode normal. Une fois l’option haute résolution activée, elle devient au contraire beaucoup trop grosse. Même combat en 1080p: soit on plisse les yeux, soit on a l’impression de manipuler un jouet pour enfant avec d’énormes boutons. C’est trop espacé, lourd, envahissant, c’est… laid. Le choix d’un gris foncé avec du lettrage blanc crème n’est pas forcément mauvais, mais rien pour sauver l’interface de la catastrophe. Même que certaines polices de caractères semblent écrasées.
On retombe aussi dans le même piège que les sorties précédentes: il faut multiplier les clics pour accéder à des informations essentielles, alors qu’elles pourraient être affichées de façon plus intuitive, en fonction du menu où l’on se trouve. Il manque aussi cruellement de détails, notamment dans les infobulles. C’est le genre de problème qui me fait me demander : ont-ils joué à leur propre jeu? L’erreur est tellement flagrante qu’elle est difficile à ignorer. Firaxis a déjà adressé ces lacunes publiquement et annoncé que les prochains correctifs mettront l’accent sur l’interface utilisateur, mais il est surprenant de voir que certains de ces problèmes, pourtant faciles à corriger, persistent encore à la sortie officielle.
Pour donner un exemple flagrant: Construire une scierie donne +1 de production à votre ville et +1 pour chaque camp de bûcheron construit. Or, le jeu ne nous indique que le bonus de base, sans préciser combien cela rapporte au total. Pour le savoir, il faut consulter la liste des aménagements de la ville et compter les camps de bûcheron… sauf que cette liste est totalement en désordre. Les camps sont mélangés avec les fermes, plantations, mines, etc. Pourquoi ne pas tout classer par type?

D’autres lacunes sont tout aussi frustrantes: il n’y a pas de liste de nos unités, pas de liste de routes commerciales disponibles (ou même de celles en cours), aucune fonction de recherche pour localiser rapidement un type de bâtiment (comme toutes les librairies sur la carte), et le menu des bâtiments dans une ville est inutilement séparée en deux menus au lieu d’un seul contenant deux boutons pour l’achat ou la construction.
Une autre aberration concerne l’affichage des détails sur le rendement d’une ville. Si une ville est mécontente, j’aimerais aller voir pourquoi, mais l’analyse fournie par le jeu ressemble à ceci:
“Bonheur: -1. Revenus: 35, moins déductions: -36”.
D’où vient le 35? Mes bâtiments dédiés au bonheur? Et le -36, est-ce parce que je suis en guerre?
Le tout sera, je l’espère, corrigé par des mises à jour. Sinon, on devra installer différents mods pour agrémenter l’expérience.
D’une main de maître
La trame sonore, elle, est époustouflante. Chaque morceau, d’une durée de 4 à 5 minutes, représente bien sa civilisation, et les chansons s’enchaînent naturellement l’une après l’autre. Ce qui est intéressant, c’est qu’on n’entend pas seulement un morceau représentant notre civilisation actuelle, mais aussi un morceau par civilisation présente dans la partie. Il y a également des trames spécifiques lorsqu’on est en guerre, où les tambours résonnants ajoutent beaucoup à la tension. Sous cette trame bien présente, on peut entendre l’environnement selon l’endroit où la caméra est placée: le vent, les rivières et les ports viennent enrichir l’immersion sonore.
Un dernier tour
Civilization VII a ses problèmes, certes, mais n’en reste pas moins que Firaxis a encore réussi à pondre un petit bijou. Le diamant est brut, il ne reste qu’à le polir. On peut rencontrer certains petits bugs visuels, mais rien de trop dérangeant et je suis convaincu qu’ils seront réglés assez rapidement. On remarquera aussi un mode scénario absent, ce qui pourrait en décevoir certains. Malgré ces petits pépins et une interface utilisateur désastreuse, les mécaniques sont très bien pensées. On peut s’attendre à passer des centaines d’heures sur ce jeu, le tout agrémenté d’une trame sonore incroyable et un visuel tout aussi impressionnant, faisant de Civilization VII un incontournable pour les amateurs de 4X.
Nom du jeu | Sid Meier’s Civilization VII |
Date de sortie | 11 février 2025 |
Développeur | Firaxis Games |
Série | Civilization |
Éditeur | 2K |
Plates-formes | Windows, macOS, Linux, Switch, PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series X/S |
Genre | Jeu de stratégie au tour par tour, 4X |
Mode de jeu | Solo, multijoueur |
Langue | Multilingue (français inclus) |